Comment les promoteurs tentent d’influencer les élus…


Informations

Les promoteurs ont envoyé aux élus du conseil municipal de Canéjan une lettre répondant aux arguments de leurs opposants. Nous dénonçons ce procédé destiné à influencer les élus et rendons publique leur lettre ainsi que les documents associés (zip). Nous examinons ensuite chacun des 16 points soulevés par les promoteurs et rectifions leurs propos quand ils sont erronés ou trompeurs (voir « Notre réponse » ci-dessous, après chaque extrait numéroté de la lettre des promoteurs, sur fond gris).

Le tract avec les éléments que nous allons commenter


Bassin 0,8 ha vs 1,35 ha

Notre réponse :

Il existe certes des piscines de surf plus grandes dans des pays peu sensibles aux enjeux environnementaux ou dans des régions du monde où l’eau représente un moindre enjeu. Mais même une piscine de surf « moyenne » est absolument gigantesque : la superficie des deux bassins prévus à Canéjan correspond à celle de 11 piscines olympiques. Pour comparaison, la plus grande piscine française (piscine municipale Alfred-Nakache de Toulouse) fait 0,72 ha pour un volume d’eau de 6100 m3, bien moins que les bassins prévus à Canéjan (1,35 ha pour 20 000 m3). Cette piscine peut accueillir 9000 baigneurs simultanément, contre seulement 65 surfeurs à Canéjan. Il faudrait donc un volume d’eau 454 fois plus élevé pour accueillir un surfeur (à Canéjan) que pour accueillir un baigneur (à Toulouse). Cela illustre l’incroyable consommation des ressources de ces mégapiscines de surf bénéficiant à un petit nombre de privilégiés.


Renouvellement de l’eau pour des raisons sanitaires

Notre réponse :

C’est faux, le surfpark Suisse applique la réglementation des piscines (norme SIA 385/9). Cette norme impose pour raisons sanitaires un apport d’eau neuve de 50 litres minimum par pratiquant pour le renouvellement en eau des bassins et exige une vidange minimum par an. A Canéjan, le climat, plus chaud, aboutirait nécessairement à plus d’évaporation qu’en Angleterre ou en Suisse.


Vidanges

Notre réponse :

Les nombreux problèmes survenant lors de l’exploitation des piscines de surf (liner, fissures, fuites…) sont désormais bien reconnus par les professionnels. Pour le stockage de l’eau en cas de vidange, la présentation des promoteurs est trompeuse. En réalité, la cuve fait seulement 1750 m3, contre 7 000 m3 et 13 000 m3 pour les deux bassins. Donc en cas de vidange l’eau des bassins serait majoritairement rejetée dans un fossé menant directement à la rivière Eau Bourde. La société Wavegarden recommande de vidanger tous les 2-3 ans et la Suisse exige une vidange annuelle pour raisons sanitaires norme SIA 385/9. En plein été, si la température des bassins dépasse 28-29°C, les micro-organismes risquent de proliférer, nécessitant une vidange au pire moment. Or la seule solution en cas de vidange est de recourir au réseau public d’alimentation en eau potable.


Consommation annuelle d’eau potable Consommation annuelle d’eau potable2

Notre réponse :

La société Wavegarden n’est certes pas légalement tenue de divulguer la consommation d’eau et d’électricité de ses surfparks, mais leur décision de ne pas le faire est regrettable : pourquoi ce manque de transparence ? La lettre de Wavegarden citée est extrêmement vague et invérifiable. Parler d’impact positif pour l’environnement pour un surfpark est excessif et non conforme aux recommandations de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité. Les promoteurs reconnaissent désormais l’« oubli » de l’effet évaporant des vagues, il était temps ! En réalité, toute leur stratégie consiste d’une part à se légitimer, tout en reportant la responsabilité sur d’autres (« Wavegarden n’a ni besoin ni intérêt à tricher »), et d’autre part à dénigrer le scientifique ayant réalisé les analyses pour les associations, plutôt qu’à apporter des éléments utiles au débat contradictoire. Modéliser la consommation d’eau d’un tel surfpark dépend de beaucoup de paramètres variables dans le temps (météo, fréquentation, mode de gestion…) : exprimer l’incertitude est en réalité signe de sérieux. Les chiffres de la pétition de 2023 étaient basés à l’époque sur les besoins en eau pour le projet de surfpark de Sevran, un des rares projets à avoir fait l’objet d’une véritable étude d’impact, absente pour Canéjan. En pratique, ce n’est pas la pétition qui a été transmise au juge par les associations mais une étude de la consommation d’eau du surfpark de Canéjan basée sur les informations directement issues du dossier de demande de permis de construire.


Visteurs par an

Notre réponse :

Les promoteurs ont longtemps tenté de cacher l’ampleur du projet. Ils ont d’abord annoncé 150 à 300 surfeurs par jour (soit 54 000 à 109 000 sessions/an), mais évoquent maintenant de 130 000 à 160 000 sessions par an, ce qui augmenterait beaucoup la consommation d’eau potable du complexe. D’ailleurs, dans un récent communiqué de presse, les promoteurs parlent d’une « déferlante majeure pour le tourisme », et expliquent que Canéjan deviendrait une « véritable plaque tournante du surf à l’échelle mondiale », que « le complexe de Canéjan a l’ambition de devenir un haut lieu de compétitions et de démonstrations ». Ils ajoutent que le surfpark « attirera des visiteurs de toute la France et de l’étranger », loin de l’image d’un complexe sportif destiné aux surfeurs de la métropole et permettant de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.


Prix d’une session

Notre réponse :

Les promoteurs reconnaissent désormais un prix allant jusqu’à 70€ par session d’une heure, annonce qui ne les engage en rien. Les frais de fonctionnement et d’amortissement élevés et la faible capacité de ces surfparks (un surfeur par vague) en font clairement un sport couteux.


Accès en transports publics

Notre réponse :

La ligne de car mentionnée circule à faible fréquence et à des horaires peu adaptés. Il est évident que la très grande majorité des pratiquants viendront en voiture.


Parkings

Notre réponse :

Une superficie de 8000 m² équivaut à 320 places de parking standard (moins si les surfeurs viennent en vans et camping-cars). On est loin des 500 places indiquées sur le tract des promoteurs. Lors d’événements festifs, ce serait largement insuffisant.


Horaires d’ouverture

Notre réponse :

L’affluence sera donc maximum au pire moment, en début et fin de journée. Pas d’informations sur les horaires nocturnes pour des événements sportifs ou des concerts. Quelle utilisation de l’éclairage artificiel (pollution lumineuse) et quelles conséquences pour la biodiversité de la rivière au Bourde et des zones humides voisines ?


Soirées, concerts, compétitions

Notre réponse :

Des concerts sont donc bien prévus. Le discours sur l’absence de nuisances sonores est irresponsable. Les nuisances sonores affecteraient inévitablement les habitants de Cestas et de Canéjan. Et ce ne serait pas « une chance pour toutes les familles environnantes », mais uniquement pour les surfeurs ayant envie de pratiquer le surf en piscine et qui en ont les moyens.


Forte opposition des habitants au projet

Notre réponse :

Les promoteurs nous accusent sans preuve d’avoir « influencé les répondants » lors du sondage, car les résultats leur sont très défavorables. Concernant la pétition, la plus forte mobilisation, et de loin, a été observée sur Canéjan et Cestas ainsi que dans les communes voisines (Pessac, Gradignan, Bordeaux…). Les promoteurs opposent aux 63 230 signataires de la pétition les 200 000 visites attendues annuellement dans leur surfpark, oubliant que certains surfeurs feraient plusieurs visites. Et surtout, une telle comparaison n’a pas de sens. Signer une pétition est un geste citoyen. Très peu de pétitions contre un projet local ont recueilli autant de signatures.


Reconnaissance officielle du greenwashing des promoteurs

Notre réponse :

Les promoteurs émettent des accusations particulièrement graves sur le travail du jury de déontologie publicitaire, une instance de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité composée de professionnels et de juristes éminents, actuellement présidée par Françoise Tomé, Conseillère d’Etat. Ils omettent de rappeler que la procédure est contradictoire : ils ont fait le choix de ne pas participer et le regrettent visiblement, mais ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Il est extrêmement rare qu’une publicité considérée comme non conforme par le jury soit maintenue par l’annonceur, et il est sans précédent qu’une entreprise témoigne d’un tel mépris pour les institutions de notre pays en accusant les membres du jury de manquer d’objectivité. Le jury de déontologie publicitaire ne délivre certes que des « avis » mais cela n’exclut pas que la communication des promoteurs tombe sous le coup de la loi.


Contestation des données sur la consommation d’eau

Notre réponse :

Pour des raisons réglementaires, la Commission locale de l’eau n’a pu se saisir du dossier de surfpark, mais elle a tenu, alors que rien ne l’y obligeait, à exprimer son inquiétude sur la sous-estimation évidente de la consommation d’eau potable du projet. Relativiser est un procédé courant de l’inaction environnementale et comparaison n’est pas raison. Les dérogations pour l’arrosage des golfs durant les alertes sécheresse font polémique. Le golf de Bordeaux Lac a prévu de réutiliser des eaux usées traitées pour arroser les pelouses, une option inenvisageable pour des raisons sanitaires évidentes dans le cas du surfpark. Dans la métropole de Bordeaux, les nappes profondes sont fortement surexploitées et des prélèvements importants d’eau doivent être faits dans les communes voisines, dont Canéjan. L’eau du sous-sol n’appartient pas aux communes et c’est la préfecture qui arbitre son usage.


Retrait du soutine de la FFS Retrait du soutine de la FFS2

Notre réponse :

Insister sur le soutien initial de la Fédération Française de Surf au projet est trompeur et s’exprimer en lieu et place du président de la fédération est déplacé. En effet, après avoir pris connaissance des détails du projet, la fédération a confirmé à plusieurs reprises le retrait de son soutien au projet (voir ici et ). Quant au soutien du président de la Fédération Européenne de Surf, par ailleurs ancien président de la Fédération Française de Surf, il est problématique car la fédération européenne n’a pas à interférer avec la position d’une fédération nationale. La fédération française exige pour soutenir un projet de piscine de surf la transparence totale sur la consommation d’eau et l’application de la norme Afnor, deux conditions qui ne sont pas respectées par le projet canéjanais. Les promoteurs caricaturent d’ailleurs cette norme Afnor en prétendant qu’elle impliquerait de suivre la réglementation des piscines publiques, ce qui est faux. Ce que demande la norme Afnor, pour une piscine de surf en bassin fermé, c’est une classification en baignade artificielle, moins contraignante. Comme le dit le proverbe, « qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ». Les promoteurs indiquent qu’ils tentent actuellement d’« influencer positivement les standards nationaux », autrement dit de faire du lobby en nivelant vers le bas les exigences sanitaire pour faciliter la mise en place des piscines de surf. Nous dénonçons cette tentative.


Dénonciation par des parlementaires

Notre réponse :

Ces propos sur les parlementaires, élus représentant la nation, apparaissent particulièrement irrespectueux. Ceux-ci ont fait leur travail en se documentant et font ensuite des choix politiques en connaissance de cause : c’est bien leur rôle. Concernant l’Autorité Régionale Sanitaire (ARS), la question se pose de savoir si elle a bien reçu des promoteurs tous les éléments utiles pour évaluer la qualité de l’eau. Ce sera au tribunal de répondre à cette question.


Ou en est le dossier?

Notre réponse :

Prétendre que « réhabiliter cette friche » (c’est-à-dire défricher, puisqu’il y a bien eu autorisation préfectorale de défrichement) « va dans le sens des préconisations ZAN » (ZAN : Zéro Artificialisation Nette) est grotesque. Les promoteurs ont bel et bien défriché mais ne veulent pas l’assumer publiquement. L’examen du document qu’ils fournissent montre d’ailleurs que le terrain était aux deux tiers boisé. Ils disent souhaiter démarrer les travaux sans attendre l’issue du procès. Ils s’étaient pourtant engagés à respecter la décision du juge. Démarrer les travaux signifierait renier leur parole. Le manque de sérieux et l’irresponsabilité de ces promoteurs est désormais évident.

Documents de référence

Documents Académie de la Glisse fournis librement par leur dropbox.